Zanouba, 10 ans.
Laïla, sa mère.
Dauphin.
Zanouba : Je ne vois rien
Laïla : Là-bas !
Zanouba : Là-bas. Rien.
Je ne vois rien.
Un temps.
Au fond du canot de l’eau.
Noire. Vraiment noire.
Un temps.
Zanouba : Maman ?
Laïla : Oui ma puce.
Zanouba : J’ai un peu froid.
Laïla : Viens contre moi te réchauffer. À terre nous ferons un grand feu de bois flotté.
Zanouba : Quoi ?
Laïla : Du bois emporté et balloté par la mer. À force de bourlinguer il devient léger sec et blanc comme des os de poule.
Zanouba : Ça siffle. Tu entends comme ça siffle !
Laïla : Oui. C’est vrai. Ça siffle et re-siffle.
Dauphin à bâbord !
Zanouba : Dauphin animal marin nous siffle sa bienvenue.
Laïla : Ne te penche pas !
Zanouba : Maman l’eau du fond me monte aux mollets.
Laïla : Pose tes jambes sur moi.
Zanouba : Maman ça siffle encore et encore !
Laïla : Tiens-toi à moi. Si quelque chose se passe tu te… tu te tiens à moi… surtout tu ne me lâches pas. Tu t’accroches !
Zanouba : J’ai peur.
Laïla : Non. Pas de peur… tiens-toi à moi.
Zanouba : Maman mes fesses sont toutes trempées.
Laïla : Heureusement on va plus vite. Beaucoup plus vite
Zanouba : L’eau sur mes cuisses. C’est froid maman.
Laïla : Là-bas la côte.
Zanouba : Où ?
Laïla : Là-bas. Tu vois maintenant la terre ?
Zanouba : Oui je la vois mais l’eau monte de plus en plus.
Laïla : Ne me lâche pas surtout ne me lâche pas.
Zanouba : Il nous pousse de toute sa force.
Laïla : Ferme les yeux si tu as peur !
Zanouba ferme les yeux.
Noir. Dans le noir.
Dauphin : Sur le moment je vous ai pris pour un paquet de bois flotté, empaqueté par les vagues. Je me suis rapproché. Des réfugiés assis sur les bords de plastique, frigorifiés et balancés en cadence par la houle. Tu m’as fait sourire lorsque tu t’es penchée. Bon !
J’ai vite compris ce qui se passait. Pas sorcier. Un radeau pourri qui prenait l’eau de tous côtés. J’ai poussé. Facile pour moi de vous pousser puis de vous échouer au bon endroit !
Zanouba : Merci. Merci beaucoup. Comment tu t’appelles ? Moi, c’est Zanouba. À côté ma mère. Laïla. Nous sommes de Palmyre. C’est ma première rencontre avec un dauphin. Un bisou ? Un bisou gentil dauphin !
Zanouba rouvre les yeux. Fin du noir.
Zanouba : Je veux qu’il me fasse un bisou !
Laïla : Un bisou. De qui parles-tu ?
Zanouba : Le dauphin m’a parlé. Je lui ai demandé un bisou.
Laïla : Viens vite descendons de cet horrible radeau. Sur la plage nous sommes en Europe. Pour sécher nos affaires nous ferons un grand feu de bois flotté.
Parcours artistique
Marc Tamet écrit des pièces de théâtre, des formes courtes, des livrets pour la musique contemporaine, ainsi que des arguments pour la danse. Ses textes ont fait l’objet de mises en scène, de diffusions radiophoniques et de mises en voix. Une partie de son théâtre est publié chez Passage d’encres, Lansman, l’Harmattan. Marc Tamet vit et travaille à Paris.